Contes pour l’Enfant Intérieur. Sushi le poisson rouge d’Albanie !

Cabinet de Psychothérapie. 7 rue Pierre Haret, Paris 9. Contes pour Enfant Intérieur.
Cabinet de Psychothérapie. Au carrefour de Paris 8, Paris 9, Paris 17 et Paris 18

Sur le bord d’une fenêtre, Sushi le poisson rouge se tortille dans son bocal rond. Il est loin de chez lui, loin de sa maison en Albanie. De là-bas il a fui, loin des affronts et des ennuis, de ses amis aussi et de son ancienne vie. Il tourne en rond et se souvient de son copain Gaston le thon. Sacré blagueur, sacré bagarreur, Gaston de son cœur.

Sur un même cargo pêché du matin ils s’étaient rencontrés. D’avant cela notre Albanais n’a aucun souvenir. Dès le début, alors petit esturgeon, il avait trouvé protection sous la nageoire du gros poisson qui lui évitait les bastons, les coups de bâton. Dans les mêmes filets ils avaient ainsi traversé la Baltique. De là après un grand plongeon et une escapade rocambolesque, ils s’étaient réfugiés dans un cabaret miteux du port de Zagreb. Gaston y avait ses affaires, mais rien n’est gratuit, et pour survivre Sushi avait travaillé aux cuisines. Nourrir tous ces marins affamés n’avait pas été une mince affaire, il fallait donner de soi. Sur le registre du port, Gaston s’était fait passer pour un membre de  la  famille de Sushi, son Thonthon. Chaque jour pourtant il grandissait, ses formes rouges apparaissaient, le subterfuge disparaissait. Une sardine à l’huile de la police secrète lui fit des misères, une sale affaire. Sushi dut partir pour ne pas mouiller Gaston.

Le voilà de nouveau sur la route. Sur le chemin il croise Vanille une anguille, à peine plus âgée, il tombe amoureux, ils veulent vivre à deux. Son corps souple et interminable le rend fou, pour elle il donnerait tout. Alors il se perd, il veut la combler, elle l’aime mais elle ne sait pas l’arrêter. Pour qu’elle ne manque de rien, il se vend, par petit bout et n’est bientôt plus qu’une ombre rouge sans limites, un trou d’amour qui se vide. Vanille n’en peut plus, elle ne peut pas l’aider, elle doit le quitter, elle doit se sauver. Sushi doit faire seul le chemin pour se trouver. Sushi veut mourir, il ne sait pas où aller, vers qui se tourner ? Dans la Baltique il veut se noyer, mais les sardines veulent l’en empêcher. Elles disent que ce sont elles qui dirigent le port et que ce sont elles qui décident qui doit vivre ou mourir. Alors Sushi s’échappe encore une fois, il se jette à l’eau.

À quelques miles de là il est repêché par Toto le bigorneau, Sushi est inconscient. Toto est âgé, mais Sushi l’apprécie, il vit dans un rocher. Toto parle peu et ne pose pas de question, alors c’est tout seul qu’il finit par se les poser, tout seul à l’abri du rocher. Qui est-il ? D’où vient-il ? Toto a des enfants et des petits-enfants, et dans sa tête Sushi se souvient cet entêtant refrain que lui chantait quelqu’un… sa maman p’tèt ben ? Et son nom d’où est ce qu’il lui vient ? Toto n’a pas les réponses. Dans cette grande famille, quand tout le monde est là, grands-parents, parents, petits-enfants, Sushi se sent bien et mal à la fois. Alors Sushi fait des bêtises, il ne veut pas qu’on l’aime comme ça, sans savoir pourquoi, après quelques mois il s’en va, sans rien expliquer.

Aujourd’hui, Sushi n’est plus un enfant, après bien des errances il est indépendant et gagne sa vie comme poisson d’appartement. Il tourne en rond dans son bocal et se souvient, si jeune il à déjà tant vécu, Gaston le thon, Vanille l’anguille, Toto le bigorneau, et quelques autres encore. Ici rien n’est plus comme avant, il se sent seul abandonné et pourtant. De sa fenêtre il entend des rires, des chants et d’autres gens. Alors il comprend qu’il est temps, ses souvenirs sont présents, ils resteront toujours vivants, mais c’est ici et maintenant qu’il doit aller de l’avant.

Depuis quelque temps, Sushi est content. Tous les soir au « Bar de la Marre » il va retrouver, Emile le hareng, Jacquot le poulpe, Isis la méduse et Elias le homard, ils se racontent leurs petites histoires et leurs grands espoirs. Et puis il y a Jeannette la fille du patron. Comme lui c’est un poisson, elle est jolie elle vient du japon, elle a des réponses pour ses questions…

(à lire… « Polo le Manchot », Contes pour l’Enfant Intérieur)