Comment ouvrir les yeux sur nos demandes intérieures, les valider par nous-même, et les ré-adresser aux bonnes personnes. Vers une autre et bien meilleure lecture de son Estime de Soi.
Des Pères et des Mères « Everywhere » !
Une des plus grandes difficultés pour avancer par rapport à ses besoins existentiels profonds, c’est d’apprendre à lâcher prise sur les personnes supposées être celles qui devraient répondre à ces besoins. En l’occurrence pour résumer, Papa et Maman.
Bébé nous naissons à notre potentiel maximal de connexion avec l’environnement, tout en étant complètement démunie et absolument dépendant des adultes qui serviront d’intermédiaires entre le monde et nous. Le type d’accompagnement et d’écoute dont nous serons entourés aura une influence capitale sur notre développement existentiel.
Sur ce plan-là, aussi blessés que certains ont pu l’être par leur enfance ou leur adolescence, la référence à une enfance parfaite est illusoire; tout le monde porte un karma d’histoire, qu’elle soit personnelle ou transgénérationelle, qui n’est jamais faite uniquement d’empathie, de bienveillance et d’accompagnement créatif, loin s’en faut. À ce sujet-là, l’histoire de l’éducation des enfants, du Moyen Âge jusqu’à nos jours est édifiante; être à l’écoute des besoins des enfants est une invention très récente dans l’histoire des hommes…
Que se passe-t-il alors lorsqu’un enfant (consciemment ou non…) ne se sent pas écouté ni accompagné dans un besoin existentiel profond ? Il arrive le plus souvent, que l’enfant en déduise que si cette écoute ou cet accompagnement n’arrive pas, c’est que ce qu’il demande, ce dont il a besoin, n’est pas valide, n’est pas légitime, n’a pas d’intérêt, est quelque chose qu’on doit maintenir sous silence, interdit, tabou, voire dangereux pour les adultes qui l’entourent. Quel que soit l’accompagnement, maladroit, inexistant, méprisant, humiliant, violent, pervers, punisseur, la conclusion reste la même : pour « survivre », « faire plaisir », « ne pas déranger », « être aimer » etc… mieux vaut peut-être faire disparaître, modifier, camoufler, refouler ce besoin qui sera donc désormais tatoué du sceau de la dévalorisation, de la disqualification, de l’illégitime, du honteux, du dégoûtant, de l’inexistant, ou encore de l’indécent etc.
Le problème, c’est que lorsqu’il s’agit d’un besoin existentiellement capital pour l’enfant, cela se résume à continuer à vivre en niant une partie essentielle de soi-même. Il arrive que l’on puisse vivre des années sans en avoir conscience, car c’est devenu une normalité pour nous-même, mais les conséquences finissent toujours par s’exprimer tôt ou tard sous la forme de symptômes dont il n’est pas toujours facile d’identifier l’origine. Certains de ces symptômes non « résolus » du vivant de la personne seront tout simplement passés à la génération suivante : « Bonne chance mon fils, bonne chance ma fille… »
Le premier traumatisme est celui de ne pas trouver l’accompagnement adéquat à la bonne évolution de son besoin, le second traumatisme plus grave encore est celui de rejeter soi-même son propre besoin ou de le vivre dans la difficulté en intégrant l’absence d’accompagnement comme une conclusion normale de son problème. Je ne peux pas l’avoir, donc je ne l’aurai jamais et si cela me remonte à la gorge, je continuerai à l’adresser aux mêmes personnes, ou au même type de personnes, qui restent dans l’impossibilité de me le donner, me condamnant moi-même à une perpétuelle insatisfaction.
Voilà donc la vraie impasse : on refoule en général nos besoins en même temps que l’absence de réponse à ses besoins, et on en reste souvent bloqué là, dans le renoncement ou la perpétuelle déception. C’est comme jeter le bébé avec l’eau du bain, si j’ose dire!
Pourtant le problème n’est pas le besoin intime profond qui m’habite depuis l’enfance, le problème vient de savoir à qui l’adresser. La plupart du temps, même quand je renonce à mes propres parents, je continue à faire mes demandes souvent à des personnes que je choisis inconsciemment pour qu’elles soient elles aussi, comme mes parents, dans l’incapacité d’y répondre (un autre membre de ma famille (frères et soeurs par ex.), mon conjoint ou ma conjointe, ou encore mon boss, mon prof, mon docteur, ou n’importe quelle figure d’autorité, etc.).
L’échec vient que, secrètement, je les choisis avec l’idée sous-jacente que la validation de mon besoin viendra de l’extérieur, et que ce sera quand et seulement quand on me le donnera que je me sentirai enfin compris, légitime et satisfait. « Wrong Number! », cette idée (souvent non dite…) à elle seule suffit pour que l’adresse soit toujours la mauvaise, et que le colis vous revienne dans la figure.
En effet, si vous voulez du pain, et que vous vous accrochez désespérément à l’idée que c’est votre boucher qui doit vous le donner, vous risquez de régulières déconvenues… Si vous vous adressez à la mauvaise personne (ou toujours au même type de personne, »et si je demandais au charcutier pour changer… ») c’est parce que dès le départ vous aviez intégré sans le savoir que vous n’aurez pas ce que vous voudrez ce qui nourrira encore plus votre rancoeur envers le pauvre boucher qui vous répète depuis si longtemps qu’il n’en a pas pour vous. Vous êtes alors condamné(e) à rejouer des scénarios fermés et répétitifs. Et quel dommage si en plus vous finissez par renoncer à votre besoin de pain (je n’adresserai plus jamais de demande à personne, c’est trop décevant, trop douloureux, toujours le même scénario, la même fin qui se répète..).
Comment faire sans les Pères et Mères de notre naissance.
Les choses commenceront à changer le jour où vous réaliserez que votre demande est légitime, que vous ne souhaitez pas y renoncer, que ce n’est tout simplement pas la bonne adresse. Il ne vous restera plus qu’à vous mettre enfin en quête d’une boulangerie à laquelle porter votre demande de pain. Dans cet exemple, ce n’est pas le boulanger qui validera votre besoin de pain, c’est vous-même, il s’en suit un processus actif, vous trouverez du pain parce que vous n’attendez plus qu’on vous l’autorise et parce que vous allez le chercher au bon endroit. Identifier « le bon endroit » est affaire de processus, de temps et de reconstruction de l’écoute et de l’Estime de Soi.
Avec l’expérience, votre estime de vous-même grandissante, vous pouvez même apprendre à vous adresser à de meilleurs boulangeries…
Notre problème devient donc:
1) Identifier mes besoins existentiels profonds insatisfaits.
2) Apprendre à les re-qualifier, les re-valoriser comme normaux et essentiels à notre bon développement futur. C’est-à-dire, prendre plus intimement conscience que les êtres humains qui étaient censés le faire, n’ont pas pu, non pas parce que cela ne valait rien, ou que « Je » ne valait rien, mais parce qu’ils avaient eux-mêmes leurs casseroles, leurs histoires d’enfance, leurs handicaps émotionnels, leurs peurs et autres points aveugles et tabous tatoués dans la chair de leur propre éducation sociale, culturelle, religieuse etc.
3) Apprendre, en même temps que la confiance en Soi, à mieux écouter, définir, et mieux adresser, ses besoins, aux bonnes personnes, c’est-à-dire dans le bon cadre et sous la bonne forme, pour que la chance de succès augmente petit à petit et que les cercles vicieux de la déception se transforme en cercle vertueux de la réussite relationnelle.
Et là, bien sûr la première personne à qui adresser votre besoin, c’est vous-même !
Le jour où vous vous validez enfin par l’écoute et l’attention que vous vous portez à vous-même (cf Qu’est-ce que l’Enfant Intérieur ?), et que dans le même temps vous lâchez réellement prise sur l’idée que vos parents sont les seuls responsables et donc les seuls à pouvoir réparer, alors seulement vous pouvez commencer à découvrir que vous pouvez trouver des Mères et des Pères partout autour de vous ! En effet, il suffit d’ouvrir les yeux pour trouver des personnes vers lesquels il est au moins partiellement possible d’adresser sa demande. Cela peut être n’importe qui, certaines de ces personnes auront à coeur de vous accompagner sur certains aspects de vos besoins, et d’autres personnes vous accompagneront sur d’autres aspects, l’important est de ne rien forcer, les demandes se font naturellement au fur et à mesure où l’on sent que la nature de la relation le permet et dans le respect de ce que chacun est vraiment prêt à mettre dans cette relation d’échange. Dans cette configuration et seulement dans cette configuration tout le monde peut y trouver son compte, il peut être aussi gratifiant d’être accompagné(e) que d’être celui qui accompagne.
Nous sommes tous les jours entourés de gens de tous âges qui peuvent, même momentanément, jouer un rôle parental sans que la personne ne devienne réellement un père ou une mère, juste quelqu’un qui s’intéresse, ou se sent pour quelques minutes impliqué(e) dans votre problématique. N’importe quelle rencontre de qualité peut jouer ce rôle dans notre vie, et s’ils ne sont plus limités à papa et maman, alors les possibilités deviennent infinies…
Alors ouvrez les yeux, ouvrez votre coeur d’abords à vous-même, et les « bonnes » personnes deviendront beaucoup plus évidentes dans votre regard renouvelé…
P. A. M.