A quoi sert le Dégoût? Chapitre I.

Psychothérapie du Dégoût, Psychothérapie de la Culpabilité, Psychothérapie de la Dépression, Psychothérapie de l'Angoisse.
Pascal Acklin Mehri, Psychologue Psychothérapie Paris

Psychothérapie du dégoût !

Si vous avez l’habitude de lire mes articles, vous commencez à comprendre que l’Estime que je porte au Soi m’amène naturellement à respecter tout ce qui nous vient de l’intérieur, tel que cela se manifeste dans le Corps, comme une source de guidance. Et même si son premier effet est désagréable et non souhaité, comme la douleur ou la maladie, cette guidance ne nous veut que du bien et ne sert, si on apprend à l’écouter et l’apprivoiser, que le meilleur. Il s’agit toujours, pour l’inconscient et le corps, de nous emmener vers une plus grande conscience de nous-même.

Ainsi, comme je l’ai déjà écrit, la Douleur, l’Angoisse, la Dépression, la Culpabilité ne sont ni un défaut, ni une erreur, ni une punition, mais de puissants et salvateurs signaux d’alerte mis à notre service par la Nature. « Lutter contre », qui est la stratégie actuellement et malheureusement la plus répandue, est alors le ticket perdant d’un voyage sans issue. Plus vous luttez contre un phénomène naturel, plus vous le renforcez, car l’univers sera toujours plus fort que votre représentation mentale du bien et du mal. Plus vous « luttez contre » et plus vous dites secrètement à ce message intérieur universel que vous décidez de ne pas l’écouter, de le dévaloriser et de n’en faire qu’à votre tête. N’en faire qu’à sa tête, en langage d’une humanité déconnectée d’elle-même, c’est souvent dire que l’on ne veut fonctionner que selon les schémas stéréotypés d’un mental qui ne veut reconnaître ni Dieu ni maître et, ce faisant, par manque d’humilité face à la puissance de tout ce qu’il ne maîtrise pas, se précipiter la tête la première contre le mur de ses prétentions. Ici vous avez le résumé du cercle vicieux d’une humanité en détresse qui plus elle lutte contre les messages internes qui pourraient la guider vers ses aspirations plus profondes, plus elle se déconnecte, et plus le message augmente en violence (douleur, angoisse, culpabilité, crise, etc.) et se renforce.

L’autre attitude, plus humble à mon avis, c’est de commencer à accepter les messages même s’ils nous sont désagréables et de commencer à envisager qu’ils recèlent peut-être une vérité qui nous serait bien nécessaire pour avancer de manière plus évoluée et plus consciente dans notre existence.

Dans cette optique, observons par exemple aujourd’hui le « DÉGOÛT« .

Dans la logique que je propose, qu’elle pourrait bien être l’utilité du dégoût ? L’approche classique à laquelle tout monde est habitué en fait généralement une sensation considérée plutôt comme négative, et donc un vécu que l’on va vouloir fuir, ou lutter contre, surtout si l’on juge non avenu ou immoral, voire incompréhensible, de ressentir cela.

Qu’en est-il alors si l’on examine le dégoût par le prisme d’un regard plus positivement respectueux ? Tant que cela concerne un détritus sur la chaussée ou de la nourriture frelatée, on comprends l’utilité du sentiment de dégoût qui nous permet simplement de nous éloigner d’une situation ou d’un aliment néfaste pour notre organisme. Mais si cela concerne une situation qu’on ne peut éviter comme son lieu de travail, ou des personnes de sa famille, ou son couple que l’on est sensé aimer, cela peut même se doubler d’un sentiment de culpabilité qui rend le vécu encore plus désagréable. Bien sûr, comme je l’ai expliqué plus haut, dégoût et culpabilité augmentent, soit en « sourdine » (avec des évitements inconscients…) soit « bruyamment » par des symptômes divers, au fur et à mesure que l’on tente la carte de l’oubli, de la répression ou du refoulement. Car travail, patron, conjoint(e) ou famille sont en général liés à des situations que l’on ne peut éviter indéfiniment et dont la confrontation est amenée à se répéter régulièrement jusqu’à ce qu’un véritable changement conscient s’exprime d’abord et se réalise ensuite. Alors, si l’on enlève les notions morales de bien ou de mal, pourquoi donc face à une situation de vie ou un être humain (étranger ou connu, amical ou inamical…) le dégoût ne serait pas, là aussi, la manifestation saine d’un besoin d’éloignement qu’il serait tout aussi important de valoriser ? Et donc pourquoi ne pas considérer le dégoût de la même manière que le dégoût d’un aliment pourri qu’il serait autrement dangereux voire toxique d’introduire dans son organisme ou dans son environnement ?

Bien sûr, quand il s’agit d’un collègue, d’un ami, de son boss, de son couple ou de sa famille, il est plus difficile d’accepter le dégoût à cause des conséquences contradictoires que cela peut entraîner, ou que l’on imagine que cela entraînerait. Pourtant, si dégoût rime avec besoin d’éloignement, cela n’implique pas forcément ni conflit, ni séparation définitive (quelquefois oui…). Une fois écouté et mieux accepté, cela peut être tout simplement momentané, ou le redevenir. Ainsi on peut reconnecter avec des besoins ponctuels d’éloignement qui ont finalement pris la puissance du dégoût car on les a peu ou pas écoutés jusqu’à présent. De la même manière il peut s’agir du signal d’alarme d’une non-écoute prolongée de certains besoins fondamentaux qui définissent les conditions dans lesquelles la rencontre avec ces personnes, lieux ou situations seraient possibles. La nausée ou l’envie de vomir sont souvent liées à des choses mal digérées, mal métabolisées, coincées comme une boule dans la gorge entre non-intégration et non-expression. Envie de vomir et envie d’exprimer refoulées sont indissociables dans la sensation de dégoût.

Bien des « choses » peuvent être ainsi secrètement à l’oeuvre derrière une sensation de dégoût. Qu’est-ce qui me rebute dans mon travail que je pourrais commencer à adapter en écoutant les besoins qui se cachent derrière ce « dégoût » ? Il se peut que je n’accepte pas qu’il est temps de changer, car j’ai par exemple peur du changement; mais à force de tergiverser, la pression inconsciente intérieure devient de plus en plus forte. Quels sont les besoins que je n’écoute pas quand je vais voir tel ou tel de mes proches, à commencer par : « Avais-je vraiment envie de le ou la voir ce jour-là ? ou de les voir tout court en ce moment ? Peut-être que j’ai peur qu’il ne m’aime plus ou qu’il se sente rejeté et blessé si je ne réponds pas à la demande, ou tout simplement que je ne peux pas admettre le mal qu’ils me font car un éloignement impliquerait que je me retrouve seul. Combien de fois et depuis combien de temps ne me suis-je pas autorisé(e) à dire « non » même si c’est mon boss ou quelqu’un d’autre que j’aime ? Peut-être que dire « non » et affirmer mes besoins est pour moi synonyme de conflits et de complications, alors je m’éloigne de moi-même pour ne pas faire de vagues et mon sentiment de dégoût pour telle personne, telle situation, ou moi-même, augmente avec ma négation de tous ces besoins existentiels élémentaires.

Et puis lorsque cela arrive et que l’on est pris par surprise, on se demande d’abord pourquoi le dégoût peut-il émerger avec un travail ou des personnes que l’on est sensé(e) aimer ? Parce que, même si vous adorez les spaghettis bolognaise, ou la glace au chocolat, le sentiment de rejet et de dégout viendra immanquablement si l’on vous force (ou que vous vous forcez vous-même) à en manger plus que de raison, ou quand ce n’est pas le moment ou tout simplement que vous n’avez pas faim. Ce sont les conditions dans lesquels on les reçoit qui peuvent entraîner un rejet profond même des plus beaux cadeaux. Si dégoût il y a, alors, dans la logique où notre corps ne s’exprime pas pour rien, il est clair que ce que l’on vous propose, même un « cadeau », n’est pas fait pour vous ou que les conditions dont vous avez besoin ne sont pas réunies pour pouvoir digérer et accueillir les choses d’une manière plus bénéfique. Et, par votre corps, votre inconscient est votre meilleur guide pour savoir ce qui est bon pour vous. Et si votre dégoût se porte sur le magnifique séjour au ski offert avec beaucoup d’amour par votre adorable grand-mère, ou le nouveau poste à responsabilités sur lequel tous vos collègues saliveraient, il va falloir écouter, même si les autres et vous-même avez du mal à comprendre pourquoi.

En résumé, et pour simplifier, écouter son dégoût revient à mieux définir ses besoins, dont celui d’éloignement, en même temps qu’une meilleure définition des conditions de bonne acceptation d’un événement ou d’une situation, ou d’un rapprochement possible avec une ou des personnes. Dans le cas par exemple d’un parent ou ami avec lequel le lien est fort mais aussi « toxique » cela peut être tout simplement, si l’on doit se voir, de le faire dans un lieu et pour une durée qui vous convienne le mieux possible. Limiter et circonscrire les conditions d’exposition à ce qui génère le dégoût peut suffire à en diminuer l’intensité car « l’alerte » aura été écoutée. Si le dégoût persiste, c’est que vos besoins fondamentaux concernant cette situation ou cette personne n’ont pas encore été mis a jour.

La difficulté suivante, c’est qu’une fois que l’on commence à prendre conscience de son dégoût, et de l’importance de ne pas aller à l’encontre de ce signal primordial, reste encore l’art et la manière de le valider auprès des autres et surtout quand les personnes concernées sont importantes ou proches. Il y a bien sûr une différence entre « écouter » son sentiment de dégoût et dire à quelqu’un « tu me dégoûtes ! ». il s’agira plutôt de s’écouter et de dire (ou au moins de se dire à soi-même) « je ressens qu’en ce moment ce n’est pas ce dont j’ai besoin ! ». Et même si c’est mon boss, mon conjoint ou mes parents, si vous prenez le temps de valider votre dégoût, ce n’est plus qu’une question de temps, avec l’expérience, pour trouver la forme la plus adéquate, la plus respectueuse de vous -même et de l’autre, pour exprimer ce que le dégout a révélé. Ici, la sensation de dégoût qui vous a ouvert les yeux n’a plus besoin d’être partagée, et avec un peu d’exercice de confiance en Soi, cela peut devenir « ce ne sont pas les conditions de travail que je souhaite », « je vous aime mais je ne viendrai pas vous voir ce week-end, car j’ai absolument besoin de ce temps de repos seul avec moi-même ou avec d’autres personnes », « vous êtes mon père (ou ma mère), mais la difficulté actuelle de nos relations implique que je prenne mes distances pour un temps », « je ne remets pas en question votre autorité de directeur, mais je ne peux accepter que vous me manquiez de respect de cette manière » ou encore « j’aimerais beaucoup répondre à votre demande, mais cela nécessiterait certaines conditions qu’il va d’abord falloir réunir », etc. De tels résultats n’arrivent que lorsque vous avez pris le temps du recul, de l’acceptation et de la transformation de l’information existentielle portée par votre dégoût…

P.A.M

à suivre… A quoi sert le dégoût? Chapitre deuxième, « Attraction et Répulsion »…